La surcharge

Les neurotypiques ont tendance à affirmer que nous autres autistes on est "chiant" et qu'on "supporte rien".

C'est le contraire. Nous supportons trop. Au point de mettre notre santé en danger.

Notre cerveau produit beaucoup BEAUCOUP d'informations sensorielles, tout le temps. Nous n'avons pas de filtre pour nous permettre d'ignorer le fond sonore, les bruits négligeables, les informations redondantes comme les vêtements sur la peau.

Au contraire.

Mon cerveau s'amuse à ramener à la même intensité toutes les informations qui lui parviennent. Au lieu de faire disparaître la musique d'ambiance, il la met au même niveau que la conversation que j'essaye de suivre. Et que toutes les conversations autour, d'ailleurs.

Vous arrivez à suivre une conversation avec de la musique à fond dans les oreilles, vous ? Pas moi.

En prime, la lumière de l'écran du téléphone, luminosité minimale, lunettes de soleil, m'éblouit. Un grain de sable dans ma chaussure me blesse aussi sûrement que si c'était une épingle.

Je peux sentir le cœur de mon chat battre en le caressant. J'entends les cris des chauves-souris. JE PEUX SENTIR BATTRE MON PROPRE COEUR !

Les interactions sociales sont encore plus épuisantes car mon cerveau n'est pas câblé pour. Je surchauffe, comme un Mac qui fait tourner un émulateur Windows pour faire tourner un émulateur de Game Boy pour pouvoir jouer à Pokémon Rouge. Ça va dix minutes mais cinq c'est déjà de trop.

Quand mon cerveau surchauffe on appelle ça la surcharge et le pompon sur le gâteau c'est que en état de surcharge mes sens sont ENCORE PLUS SENSIBLES QUE D'HABITUDE AAAAHHHHHH

Vous voyez Superman quand il fait sa crise parce qu'il entend tout voit tout et n'arrive pas à filtrer ? C'est une surcharge sensorielle. Sauf que lui il peut apprendre à filtrer.

Moi de mon côté je dois m'isoler dans le noir et le silence, dormir (ou m'ennuyer comme un rat mort parce que si j'essaye trop de m'occuper mon état empire...).

Si j'essaye de "faire un effort" pour ne "pas être si sensible" j'embraye sur un meltdown ou un shutdown ou les deux en même temps...

Le meltdown

Conséquence de la surcharge ensorielle, le meltdown est un événement psychique qui touche les autistes.

Chez moi c'est le plus souvent lié à la surcharge d'interactions sociales, d'émotions fortes (positives comme négatives), et à l'épuisement / la fatigabilité chronique. Plus rarement à la surcharge auditive.

Parfois je le sens monter. La tension interne. La sensation que ça va bientôt exploser. L'anxiété à l'idée que ça pète. La terreur de ce qui va m'arriver, comment ça va s'exprimer cette fois.

Des fois ça me tombe dessus sans prévenir, parce que je dépasse trop vite trop fort les limites de ce que je peux supporter.

Et soudain c'est le drame. Incontrôlable comme une crise d'épilepsie. Tout ce que j'ai accumulé à l'intérieur essaye de sortir en même temps. Cris. Pleurs. Auto-agression. Parfois je me mets à fuir droit devant moi. Quand je suis encore en état de réfléchir je me précipite vers une cachette (toilettes, sous une table...). Une fois par contre j'ai traversé la route sans regarder, sans réaliser où je me trouvais.

Parfois je m'effondre sur place, incapable de tenir debout. Je hurle à me casser la voix pour plusieurs jours. Je me griffe, me frappe, frappe les meubles ou murs ou le sol avec mes poings, ma tête...

C'est incontrôlable. Et épuisant. Je dors pendant des jours après.

Avant de juger une personne autiste en plein meltdown essayez de vous figurer dans quel état émotionnel vous devriez être, pour vous comporter comme ça de façon incontrôlable.

La dernière fois que j'ai vu des neurotypiques vivre ce qui se rapproche le plus d'un meltdown c'était juste après des attentats terroristes. Les survivants se comportaient un peu comme ça.

Le meltdown est une réaction que TOUT. LE. MONDE. a dans une situation de stress extrême. Mais on l'associe à l'autisme parce que nous autres autistes sommes beaucoup plus sensibles aux émotions violentes surtout le stress. Donc ça fait partie de notre "quotidien" tandis que pour les neurotypiques c'est lié à des événements exceptionnels d'intensité.

Intensité que nous autres autistes vivons au quotidien.

Le shutdown

Cousin germain du meltdown, le shutdown est un autre événement psychique que vivent les autistes.

Il s'agit d'un gros événement dissociatif avec perte totale de la capacité à réagir. Parfois, ça peut aller jusqu'au blackout complet. Parfois, certaines fonctions sensorielles restent plus ou moins actives. Cela dépend de l'intensité de la réaction.

Chez moi, ça arrive surtout par surcharge sensorielle comme par exemple si on me touche sans me demander avant. Même pour quelque chose d'aussi banal que de me toucher l'épaule dans une conversation banale. Cela m'arrive aussi quand quelqu'un dépasse les limites de mon consentement social.

C'est très problématique car je deviens incapable de me défendre ou de me protéger. J'ai appris que si je fais un meltdown dans ces situations je suis puni' façon ABA (Applied Behavior Analysis) alors je shutdown.

Je sens mon esprit partir loin de mon corps (dissociation). Mes émotions et perceptions corporelles sont déconnectées (dépersonnalisation). Je navigue comme dans un rêve/cauchemar (déréalisation) et je grimace un sourire, lutte pour garder mon masque social et éviter de déclencher une réaction de violence vengeresse de la part de la personne en face (ce qui arrive trop souvent quand je dis non, stop, arrête, je ne consens pas à ça).

Je sens comme de la glace qui m'étreint le cœur. Je me fige. Je deviens incapable de réfléchir, de parler. J'ai envie de disparaître dans le sol pour fuir la situation et le danger.

J'embraye souvent sur une réaction traumatique nommée fawning c'est-à-dire une soumission totale à ce que me demande l'autre dans le but d'échapper à la violence vengeresse qui risque de me tomber dessus si je pose mes limites.

C'est une réaction normale que tout le monde a quand le niveau de stress est tellement élevé que le cerveau disjoncte pour se protéger à court terme. Les personnes abusives l'entretiennent (consciemment ou non) pour pouvoir profiter au maximum de leur victime.

Conséquence : autiste = 100% de risques d'être victime de viol ou d'agression sexuelle...