• Mon père, ma mère, mes transphobies ordinaires.

    Je viens de terminer le livre "Mon père, ma mère, mes tremblements de terre" de Julien Dufresne Lamy et oh. Deer. God. C'est une purge !

    Du vocabulaire transphobe

    Pour commencer, le livre utilise constamment du vocabulaire transphobe. Ainsi, la mère trans est mégenrée pendant plus de la moitié du livre. Sans doute pour pouvoir ensuite passer de "il" à "elle" pour montrer l'évolution des mentalités du narrateur.

    Sauf que, tout se passe en flashback ! Donc le narrateur aurait très bien pu dire "Au début je ne comprenais pas et je l'appelais encore "il" mais ma mère, elle..." ça aurait été bien plus respectueux. Mais non. C'est plus drôle de dire "il" pendant la moitié du livre, "Papa" et "père" pendant la totalité du livre.

    Ensuite, la transition et la transidentité sont décrites comme étant une "perversion", un "crime", une "maladie" voire même, est assimilée à de la pédophilie et au viol. Oui oui.

    La transition est décrite sur le mode de la mort. Le père meurt. C'est horrible. Le père va mourir en devenant une femme. Il y a une femme nommée Alice à l'intérieur du corps du père et elle va tuer le père en naissant grâce aux chirurgies. (Mais je parlerai ultérieurement des problèmes d'essentialisme.)

    L'auteur a fait un réel effort de ne pas décrire la transidentité comme une tragédie en soi, mais l'histoire reste tragique (je développerai un peu plus tard dans un autre post) et décrit la transition, non pas comme un parcours personnel, mais comme quelque chose d'horrible imposé à son entourage.

    Je n'ai qu'une seule chose à dire à propos de ce livre : je regrette de l'avoir acheté neuf.

    Une narration centrée sur les personnes cis

    La narration est entièrement centrée sur les personnes cisgenre alors que l'histoire est censée être celle d'une femme trans.

    On a donc l'histoire cis-centrée de la manière dont le fils cisgenre et la mère cisgenre vont vivre la transition d'une femme trans, respectivement sa mère et son épouse.

    Et bien évidemment, les cis vont vivre ça comme une tragédie.

    Le fils cis fait une dépression à cause du harcèlement transphobe que LUI va vivre - et on s'en fout du vécu de sa mère trans. La mère cis fait une tentative de suicide et une dépression (soignée avec une quantité de médicaments qui est bien au-delà de ce qu'on prescrit pour une dépression, des mélanges que mes propres médecins m'ont interdit de faire, et une posologie que je n'ai encore jamais vue pour ce genre de traitement... psychophobie ?) Sans compter que le fils se retrouve avec un stress post-traumatique d'avoir trouvé sa mère cis après la TS mais hey, c'est sa faute à lui s'il a un PTSD ! (Je suis sarcastique.)

    On ne parle que des personnes cisgenre dans ce livre, et la transidentité n'est que vaguement abordée, à part pour donner des détails voyeuristes concernant la transition médicale, ou faire des commentaires transphobes sur l'exploration de la transidentité.

    Tout est écrit par un cis, pour des cis, pour mettre en avant à quel point c'est trop une tragédie d'avoir une personne trans dans sa famille.

    Une purge je vous dis !

    La transition en guise de scénario

    Le livre utilise la transition d'une femme comme fil conducteur.

    C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'histoire en fait. C'est juste un gros pavé pour décrire comment se passe une transition. Et même pas la transition de manière générale, non ! Uniquement les aspects les plus affreux et les plus voyeurs et tragiques.

    On nous parle de manière transphobe de la manière dont la mère trans explore sa féminité et cherche les moyens de l'exprimer. On nous donne toutes sortes de détails sur les hormones, les chirurgies... Avec à peine une paire de pages sur ce que c'est vraiment qu'être trans, au-delà du corps.

    C'est ultra malaisant - sans compter que le fil rouge du récit est la sacro-sainte vaginoplastie. C'est juste hyper essentialiste mais ça, je vais le développer un peu plus loin.

    Bref, c'est encore un livre de plus où il est impossible d'être trans comme on peut avoir les yeux marrons ou les cheveux roux. La transidentité est le centre, tout tourne autour d'elle et surtout autour des parties génitales de la mère trans, il n'y a aucune histoire en réalité. Et pas non plus de véritables informations factuelles et sourcées.

    Voyeur. C'est le seul mot pour décrire ça. C'est du voyeurisme par un cis pour les cis.

    Essentialisme de genre et obsession pour les parties génitales des personnes trans

    Ce qui est central pour le livre c'est la vaginoplastie de la mère trans. Tout se passe pendant que le fils cis-perdu monologue sur sa mère trans en attendant que la vaginoplastie se déroule. Tout revient sans cesse au futur vagin de la mère trans.

    Tout tourne autour de l'idée de la castration du père cis pour en faire une mère trans. Comme s'il était impossible d'être une femme autrement qu'en ayant un vagin. Il y a également une longue litanie à propos d'une histoire de moulage du pénis de la mère trans afin de conserver un souvenir - et le fils cis-perdu fait toute une litanie pour se demander où sa mère trans rangera son, je cite, "un moulage en plâtre de l'ancêtre-papa".

    J'ai vraiment l'impression d'avoir lu un délire freudien d'un garçon cis en quête du pénis castré de son père devenu sa mère.

    D'ailleurs, pour revenir à l'essentialisme, la mère trans n'est considérée comme une "vraie femme" que quand elle aura eu sa vaginoplastie. Pire encore, elle ne sera pas une "femme" mais un "bébé". Un homme complètement castré, même pas un être humain adulte.

    Avec le voyeurisme qui va bien, on est à la limite d'avoir des schémas opératoires. Est-ce que l'auteur aurait fait ça pour un pontage cardiaque ? Non, ça serait ridicule. Ben là c'est pareil.

    On n'a pas besoin d'un voyeur de cis pour mettre son nez dans nos parties génitales trans, qu'elles soient faites maison, prosthétiques ou construites chirurgicalement, merci bien !

    J'en ai ma claque que la seule chose qui intéresse les cis, quand on parle de transidentité, c'est nos parties privées.

    Voyeurisme et informations erronées

    Le point central du récit est la description d'un parcours de transition. Ce qui est vraiment très très très mal fait.

    On voit que l'auteur s'est renseigné sur certaines choses : il donne les différents types d'hormones, il cite des noms commerciaux, cherche à donner des exemples de posologie mais... Ca donne du portnawak. Pareillement pour les chirurgies. C'est du voyeurisme gratuit. Il y a des meilleures informations dans les guides pour personnes trans qu'on trouve en trois clics par une recherche Internet !

    Quel est l'intérêt d'écrire une histoire juste pour pouvoir copier-coller les infos les plus sensationnalistes possibles sur le sujet ?

    Et non seulement c'est voyeur mais ça ne reflète pas du tout la réalité !

    Le récit laisse entendre que n'importe qui peut pousser la porte d'un psychiatre, le bullshiter un peu, obtenir des prescriptions d'hormones, et pouvoir ensuite faire nawak avec la prescription et la posologie, le tout sans accompagnement médical. Ce qui sous-entend que les personnes trans sont quand même un peu "malades dans leur tête" de vouloir se "mutiler" ou "risquer de mourir".

    En France le parcours de transition est extrêmement encadré et consiste en une série d'obstacles plus ou moins faciles à franchir car trop souvent on nous demande d'hyper-performer les stéréotypes de genre binaires.

    Le récit préfère assimiler la transition à un seul but : avoir l'air cis, pour des raisons essentialistes.

    BONUS

    Roulement de tambour... Petit résumé de mon propre parcours de transition ! (Jusqu'à présent)

    Maternelle : je ne me considère ni fille ni garçon et je suis persuadé' que c'est pareil pour tout le monde.

    Primaire : je découvre que les gens sont tellement accros à leur genre assigné à la naissance qu'ils s'accusent les uns les autres de ne pas être de "vrai's" filles et garçons. J'y comprends rien. Je m'en fous.

    Collège : la pression sociale me force à performer mon genre d'assignation. Je m'en fous un peu moins, ça me gave.

    Lycée : ça me gave de plus en plus de devoir hyper-performer mon genre assigné. Mais hey, c'est le prix à payer pour pouvoir être en couple non ? Pression sociale hétéronormative.

    Université : entre une présentation masc et une présentation fem, mon coeur balance. Forte pression sociale...

    Début de la vie indépendante : j'alterne les présentations fem et masc. Je découvre la non-binarité et la fluidité de genre et je KOEUR cette étiquette. Je vire emby masc à tendance femboy.

    Recherche d'une transition médicale : le fort gatekeeping cisnormatif binaire me dégoûte (apparemment faut aimer le foot pour être masc ?) Il me faut plusieurs années pour trouver mon équipe médicale actuelle.

    Début de transition médicale : euphorie de genre sous testostérone, je réfléchis à la suite, JE KIFFE MA VIE, les gens sont moins transphobes qu'on l'imagine, juste un peu cis-perdus.

    Et après ? Suspens !


    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :