• Ce post est une liste de conseils de choses à faire ou ne pas faire quand on a un ami qui a un trouble dissociatif complexe. Les choses à ne pas faire sont adaptables à toute personne traumatisée : éviter les comportements pouvant être trigger, éviter de demander à une part de venir au contrôle ou de quitter le contrôle, ne pas traiter la personne dissociée comme un monstre de foire, etc.

    Il est important de construire des limites saines, un attachement sécure, de faire preuve d'honnêteté et d'avoir une relation qui se base sur autre chose que les traumas et la thérapie.

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  • Quand on ne comprend pas ce qu'est le TDI ni comment il fonctionne, un des premiers réflexes est d'avoir peur. De considérer la personne comme potentiellement dangereuse, comme une bombe à retardement. Comme si chaque système avait forcément un alter psychopathe caché sous le tapis, prêt à bondir.

    Se retrouver face à une personne dissociée dont on ne comprend pas la structure interne et dont on ignore la majorité des parts peut être effrayant mais ce n'est pas dangereux en soi. Une personne dissocié n'est ni plus ni moins dangereuse qu'une autre. Au contraire : une ancienne victime a moins de risques que la moyenne d'être un agresseur ! Toutes les parts, tous les alters, sont responsables en même temps de ce que fait chacun d'entre eux. Avoir un TDI n'est pas une excuse pour mal se comporter.

    Malheureusement les stéréotypes sont là et quand ça commence à se savoir qu'une personne a un TDI, elle risque de perdre ses proches, son emploi, etc.

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  • Content warnings : mention d'agression sexuelle, d'alcoolisme, de suicide, de drogue.

    Les thèmes principaux de ma compréhension de l’œuvre sont l'aliénation autistique, le fawning d'origine traumatique, l'attachement évitant d'origine traumatique et l'identification à l'image de soi renvoyée par l'agresseur. Ce qu'il décrit est également très similaire à beaucoup de témoignages de personnes alter-humaines (otherkin, fictionkin, therian, soulbond...) décrivant leurs expériences quotidienne.

    Cette histoire est encore plus tragique quand on sait qu'elle est au moins semi-autobiographique : l'auteur a utilisé son personnage comme un avatar de lui-même afin d'extérioriser ses pensées et émotions.

    Pour rajouter du tragique sur le tragique, l'auteur était tellement désespéré et se sentait tellement aliéné par la société qu'il n'a vécu que très peu de temps après avoir achevé l'écriture de ce livre. C'est le désespoir qui l'a achevé, par noyade.

    On se dirige donc vers un livre bien hardcore niveau émotions même s'il est très peu graphique.

    Comme j'ai la flemme de faire une analyse composée de texte comme à l'école, vous allez avoir mes notes prises au fur et à mesure de ma lecture. Je vais raconter l'histoire le moins possible et me concentrer plutôt sur mes réflexions au fil du texte. Cela va vous éviter les spoilers si jamais vous voulez lire le livre.

    J'ai lu le texte en anglais ; les citations sont des traductions faites maison du texte anglais, elles seront donc nécessairement différentes des mêmes passages dans les éditions françaises du livre car tout le monde ne traduit pas les choses pareil.

    L'introduction pointe du doigt dès les premières lignes le sentiment de « vallée de l'étrange » qui se dégage du personnage principal (Yozo). Ce sentiment commence dès l'enfance. Je mets cela en parallèle avec ce que vivent les autistes : ils sont rejetés par leurs pairs, instinctivement, parce qu'ils sont « bizarres » d'une façon ineffable causant des réactions de malaise pouvant aller jusqu'à l'agression. Ici, la personne qui regarde les photographies de Yozo réagit par l'agressivité et la déshumanisation. Yozo est comparé à un singe, à quelque chose d'inhumain.

    Le sourire de Yozo, qui est de toute évidence calculé et forcé, rappelle le masque social autistique. Pour rappel, les autistes ont des expressions faciales naturelles qui sont en décalage avec celles des personnes non-autistes. Comme les autistes sont en minorité dans la population, les répétitions d'interactions sociales traumatiques leur apprennent à « faire semblant », à se composer un masque de normalité. Tout le monde n'y arrive pas avec la même efficacité. C'est ce masque autistique qui est décrit chez Yozo : un sourire forcé et calculé pour plaire socialement au lieu d'être l'expression d'une émotion intérieure.

    Dans sa vieillesse, le masque de Yozo glisse et se fissure, laissant voir un visage sans expression (du point de vue des personnes pas autistes) ce qui le rend alien, inhumain, autre. Comme beaucoup d'autistes, Yozo est facile à oublier, son visage n'a rien de remarquable, sa personne est passe-partout. C'est à mettre en parallèle avec les nombreux témoignages de personnes autistes qui, durant leur scolarité, étaient souvent « oubliés » par leurs professeurs et autres adultes. La présence de l'autiste n'est pas remarquable donc son absence n'est pas remarquable non plus.

    J'ai failli être laissé sur le parking de plus d'une sortie scolaire, la seule chose qui me sauvait étant le comptage – j'ai assisté bien des fois à la confusion d'un professeur incapable de comprendre quel élève manquait à l'appel. Une personne autiste que je connais s'est retrouvée enfermée dans les toilettes par accident durant la récréation, elle y est restée pendant des heures car personne dans sa classe n'avait remarqué sa disparition – alors que ses camarades étaient repérés tout de suite s'ils tentaient de rester dans le couloir au lieu de retourner en classe. Il m'est également arrivé, à plusieurs reprises, de me faire engueuler par une prof parce que je répondais à l'appel de mon nom. Nous étions deux dans la classe avec le même prénom, elle s'adressait toujours à l'autre personne, jamais à moi. Certains de mes professeurs me demandaient même ce que je faisais dans leur classe et depuis combien de temps j'étais là.

    Bref, de par mes propres expériences je fais un fort parallèle entre cette « oubliabilité » de Yozo et l'« oubliabilité » autistique.

    Passons à l'histoire racontée par Yozo.

    Dès le début, il déplore de ne pas savoir ce que c'est d'être humain. C'est un sentiment que j'ai longtemps partagé, en tant qu'autiste dissocié.

    D'autres de ses réflexions sont très autistiques à mes yeux. Il voit du beau dans l'inutile et est frustré en découvrant que la réalité est autre, que ce qu'il pensait inutile, existant juste pour lui-même, avait été créé dans un but particulier. Sa découverte de l'aspect pratique des objets est vécue comme une désillusion, un désenchantement. Il voit cela comme la preuve que pour avoir le droit d'exister il faut absolument remplir une fonction, que rien ne peut exister juste pour la joie d'exister.

    Ce sont aussi des réflexions que j'ai eues, à cause du poids des demandes sociales posées sur mes épaules en dépit de mon statut d'handicapé. Ou plutôt, à cause de mon statut d'handicapé.

    Il fait aussi l'expérience de ce qui peut être assimilé à des crises de dépersonnalisation ainsi que des problèmes d'interoception. Par exemple il ne ressent pas la sensation de la faim. C'est aussi un trait partagé par beaucoup d'autistes.

    Ne se sentant pas en accord avec les gens autour, il se sent obligé de se conformer et de plaire pour être accepté. C'est une expérience que font beaucoup d'autistes, qui est également à mettre en parallèle avec les carences en attachement sécure qui mènent à de la dissociation pathologique.

    Yozo présente aussi de l'alexythimie ainsi que des intérêts atypiques, ce qui sont des traits autistiques.

    Il se questionne sur le sens des normes sociales – encore un trait autistique.

    Autre trait à la fois autistique et dissociatif : Yozo ressent les choses négatives de manière exacerbée. Il n'a pas non plus le même vécu en ce qui concerne les choses sur lesquelles la plupart des gens se plaignent – pourquoi se plaindre de ces choses-là qui sont parfaitement banales ou sous le contrôle de la personne en train de se plaindre ? Résultat : il ne comprend pas pourquoi il est qualifié de « chanceux » alors que sa vie intérieure est tourmentée et douloureuse.

    Ses centres d'intérêt sont très éloignés des considérations de survie matérielle (gagner de l'argent, manger...) ce qui l'empêche d'entrer en empathie avec son entourage. Cela renforce son sentiment d'aliénation, d'inhumanité et de solitude.

    Ce sont ses carences d'attachement et son désespoir qui le poussent à élaborer son masque social. Il choisit de tenir un rôle de clown, d'amuseur, afin de cacher ses phobies sociales (encore un trait dissocié / autistique) et d'obtenir un minimum d'attention et d'interactions.

    Je rappelle au passage que le besoin d'attention fait partie des besoins sociaux, psychologiques et émotionnels VITAUX chez les humains. Les gens qui « font ça pour l'attention » sont désespérés, c'est l'équivalent social de boire son urine quand on est perdu dans le désert. Ces gens ont besoin de compassion, pas de jugement et encore moins d'agressions et de harcèlement en ligne.

    Bref, Yozo masque, masque et masque encore, ce qui lui côte énormément en efforts psychologique, en douleur émotionnelle, en énergie. C'est une parfaite description du masking autistique.

    L'aliénation de Yozo est telle que même sa propre famille semble provenir d'une autre planète que lui.

    Il décrit ressentir de la dysphorie sensible au rejet – un effet de carences en attachement sécure que vivent beaucoup d'autistes, de TDAH et de dissociés. Ses réactions sont clairement traumatiques. Au moindre reproche, au moindre rejet perçu, il se fige (shutdown autistique, figement traumatique) et devient incapable de réagir. Pour lui, c'est une preuve supplémentaire de son inhumanité. Il en retire une culpabilité constante, une expérience que vivent énormément de survivants de traumatismes – que ces traumatismes soient causés par un attachement désorganisé ou des agressions interpersonnelles.

    L'ombre des traumatismes plane sur lui : il considère les humains en général comme des monstres dangereux cachant une véritable nature violente.

    À chaque fois qu'il perçoit un rejet ou une possible perte d'attachement, il présente des symptômes post-traumatiques aigus ainsi que de la dysphorie sensible au rejet. L'idée de devoir être comme les autres humains afin d'être normal le terrifie. C'est un sentiment que partagent énormément de survivants de traumas.

    Afin de se protéger contre les triggers traumatiques, Yozo joue un rôle de clown excentrique. Il utilise ce rôle pour mieux contrôler ses interactions sociales. Cela me rappelle énormément le masque social autistique mais aussi la recherche des personnes traumatisées de reprendre le contrôle de leur vie, de se protéger contre d'éventuelles agressions en contrôlant le comportement des gens autour d'eux.

    D'autres techniques de protection mises en place par Yozo incluent le fawning (la soumission apprise, faire plaisir à la personne effrayante pour éviter l'agression) et le figement (passer inaperçu).

    Dès qu'il doit faire un choix, il panique, comme beaucoup d'autistes ou de personnes TDAH. Comme ces gens et comme beaucoup de personnes dissociées, Yozo a du mal à savoir ce qu'il veut, comprendre ce dont il a besoin. Incapable de prendre une décision ou même de refuser ce qui lui est proposé, il cache et réprime les quelques rares émotions qu'il parvient à comprendre en lui.

    Il vit également des agressions de la part d'adultes de son entourage, probablement des agressions sexuelles. Comme il n'a aucun attachement sécure avec qui que ce soit, il ne dit rien car il ne fait confiance à personne. Il pressent également la double peine des victimes, il se doute qu'il sera de toute façon réduit au silence s'il parle, que son expérience sera niée. Donc il se tait et dissocie pour survivre à l'événement.

    Son masque social se renforce lorsqu'il prend conscience que les non-autistes sont capables de tenir des discours différents suivant le contexte. Il est choqué de voir que certaines personnes sont capables de penser quelque chose et d'en dire une autre, il ne comprend pas leurs motivations qu'il perçoit comme de l'hypocrisie. Cela renforce son sentiment d'inhumanité car son propre compas moral est unidimensionnel.

    Il se demande comment les autres gens peuvent avoir la conscience tranquille alors qu'ils mentent tout le temps, qu'ils disent tout et son contraire en fonction des situations sociales.

    Comme il présente des traits autistiques et de la dissociation d'origine traumatique, il est de plus en plus facile de profiter et d'abuser de lui. Il devient une victime perpétuelle.

    Son masque « craque » lorsqu'il se retrouve face à un autre homme « inhumain » qui parvient à le percer à jour. Cela me rappelle toutes les fois où j'ai été perçu comme autiste au premier coup d’œil par un autre autiste – et inversement. C'est l'inverse de ce que ressentent les non-autistes lorsqu'ils voient un autiste.

    Comme il faut garder ses amis proches de soi et ses ennemis encore plus proches, Yozo se rapproche autant que possible de Takeichi afin d'éviter que ce dernier ne dévoile son masque social à tout le monde.

    Malgré toutes les merdes qui lui tombent sur le coin du museau, jamais Yozo n'a envisagé commettre un meurtre pour se débarrasser de ses problèmes. Il se considère pourtant inhumain.

    Il vit de plus en plus de traumatismes interpersonnels mais malgré cela, il reste capable de gentillesse et prend soin des autres autant que possible. Yozo est-il vraiment aussi inhumain qu'il le pense ou cherche-t-il à s'en convaincre afin d'avoir une explication crédible pour justifier la haine et l'agressivité qui lui cascade sur la tête depuis sa naissance ? Cela me fait vraiment penser aux personnes traumatisées et en carence d'attachement sécure qui finissent par s'identifier à l'image d'elles que leur agresseur leur renvoie. Si l'agresseur traite la victime comme un animal, la victime finit par se voir elle-même comme un animal au point d'aller parfois jusqu'à développer une facette identitaire animale (thériotype voire alter complètement dissocié).

    Sa gentillesse est vraiment autistique à mes yeux. Même lorsqu'il ne comprend rien du tout à la situation il fait tout pour être gentil et aidant. Cela peut aussi être vu comme un comportement de soumission apprise car son but constant est de faire plaisir aux gens afin de les apaiser, de les calmer et de rester lui-même en sécurité. Ce type de comportement se rapproche de celui du sauveur contrôlant, c'est-à-dire une personne qui prend en main les situations difficiles des autres et impose de leur venir en aide, de faire à leur place, afin de conserver le contrôle de la situation et d'apaiser leur anxiété interne.

    Le personnage de Takeichi dégage beaucoup de vibes autistiques de mon point de vue. Par exemple il assimile les peintures de Van Gogh, Modigliani et autres à des fantômes, il souhaite créer des portraits monstrueux dévoilant la véritable nature des gens. Cela enchante Yozo car lui-même voit les gens comme des monstres atroces.

    La relation Takeichi-Yozo est fruity je trouve (fruity = à tendance queer sans l'être ouvertement). Est-ce que c'est voulu ou est-ce que je cherche trop loin, ça c'est une question de point de vue, j'ai pas l'auteur sous le coude pour lui demander ses intentions.

    Par exemple, les deux jeunes gens partagent une intimité émotionnelle qu'on ne retrouvera pas ailleurs. Leurs remarques restent constamment hétéronormées par contre, Takeichi complimentant Yozo à grands renforts de « tu vas plaire aux filles ». Moi j'appelle ça une manière fruity de dire « tu me plaît » mais chacun sa lecture du texte.

    Autre trait autistique : Yozo est choqué par la vie dans les dortoirs scolaires à cause de la violence et du sexe. En bon autiste, il passe ses journées enfermé afin de se mettre au calme pour lire et peindre. S'il avait été capable de s'extirper de ses comportements de soumission apprise, il aurait passé ainsi le reste de sa vie. Malheureusement, il était trop traumatisé, trop en carences d'attachement pour refuser la mauvaise influence de Horiki.

    Horiki propose toutes sortes de sorties à Yozo : alcool, prostituées, bars, prêts sur gages... En carence d'attachement, Yozo lui emboîte le pas et fait tout « bien comme il faut » pour lui plaire et conserver sa compagnie. Il s'accroche à Horiki comme à une bouée de sauvetage car il se rend bien compte que ses phobies sociales l'empêchent de sortir de chez lui sans son aide. Personne d'autre n'est disponible pour lui, il n'a que Horiki.

    Toujours égal à lui-même dans ses traits autistiques, Yozo ne comprend pas que les femmes autour de lui essayent de flirter avec lui. Même les lettres d'amour lui passent au-dessus de la tête.

    D'autres traits autistiques encore : Yozo comprend très facilement les théories socio-économiques au point de les trouver évidentes et enfantines, alors qu'une lettre d'amour explicite lui passe par-dessus la tête. Yozo aime les gens pour qui ils sont, pour le lien qu'il peut tisser avec eux. Il se rend à des rassemblements politiques et ne comprend pas que cela finisse en sorties entre amis plutôt qu'en discussions politiques. Ne comprenant pas le besoin social des personnes non-autistes, il s'auto-persuade d'être quelqu'un de très mauvais puisqu'il aurait préféré parler politique à un rassemblement politique plutôt que de papoter comme au bar.

    Citation : « J'avais l'impression d'avoir été un proscrit social dès le moment de ma naissance. »

    En conséquence, il se rapproche des autres proscrits, cherchant en eux des pairs.

    Il se persuade d'être de nature criminelle à cause de son sentiment de culpabilité constant, présent depuis sa petite enfance et qui ne fait qu'empirer. Moi j'assimile ça à la culpabilité de la victime, un phénomène que vivent énormément de personnes traumatisées.

    Ses différents handicaps et réactions traumatiques l'empêchent de tenir correctement un budget. Il plonge dans la déchéance financière lorsque son père lui coupe les vivres et le jette dehors.

    À cause de sa culpabilité et de ses phobies sociales, Yozo vit le moindre geste gentil envers lui comme un lien de dette éternel qui va le lier à l'autre. C'est très anxiogène pour lui. J'interprète ça comme un attachement évitant.

    Comme beaucoup d'autistes, Yozo ne supporte pas le « small talk », c'est une véritable épreuve pour lui. Il présente également des symptômes de trouble anxieux généralisé ainsi qu'une hypervigilance constante d'origine traumatique.

    Comme pour beaucoup d'autistes, la mémoire de Yozo est orientée vers les stimuli sensoriels. Dans son cas il s'agit principalement de la nourriture et de l'odorat.

    Traumatisé, le bonheur le terrifie, l'attachement le terrifie, les personnes auxquelles il s'attache le terrifient. En conséquence il fuit particulièrement les femmes et la possibilité d'un lien de couple.

    Ses comportements de fawning sont tels qu'il se soumet à toute suggestion qui lui est faite. Il n'oppose pas la moindre résistance à ce qui lui est proposé, même lorsque cette proposition est un suicide à deux. Réchappé de la tentative (on s'en doute on n'est pas à la fin de l'histoire encore) il continue de se plier à tout ce qu'il s'imagine que la personne en face souhaite entendre. Les conséquences long terme de l'atteignent pas, il est coincé dans l'anxiété du présent et les mécanismes de soumission apprise.

    Même les enfants déclenchent ces comportements chez lui : il se soumet à l'image d'handicapé cognitif que l'enfant projette sur lui et joue le rôle qui lui est implicitement demandé de jouer.

    Toujours dans le domaine de l'autisme, Yozo ne comprend pas les sous-entendus, les communications à plusieurs niveaux, les subtilités et précautions langagières utilisées par les non-autistes. Les gens essayent de lui communiquer des choses de manière indirecte pour le ménager, en faisant des ronds de jambe – et lui ça lui passe au-dessus de la tête mais vraiment loin, il ne comprend rien du tout voire même il comprend l'inverse. Il rate des opportunités à cause de ça, ce qui rajoute une couche à sa déchéance sociale (d'où le titre du livre en français).

    Se sentant pris à la gorge, il engage un mécanisme de protection par la fuite et fait une fugue. Beaucoup d'autistes ont ce genre de réaction, surtout les plus jeunes : c'est une réaction instinctive causée par un stress intense, qui met en œuvre un mouvement (comme dans le cas des réactions de combat, qui incluent les réactions d'auto-agression) ce qui implique un niveau de dissociation et d'activation du système nerveux moins intenses que les réactions de figement, évanouissement ou soumission apprise. En d'autres termes : Yozo va « mieux » à ce moment de l'histoire, par rapport à l'époque où il disait « oui » à tout ce qui ressemblait, même vaguement, à un ordre.

    Comme il se soumet socialement aux attentes des gens ou plutôt à ce qu'il perçoit comme étant une attente de la part des gens, il est qualifié de « menteur ». Pourtant de son point de vue il ne fait qu'essayer de dire ce que les gens peuvent vouloir qu'il dise. C'est un mécanisme de soumission sociale, il cherche à faire plaisir, pas à tromper !

    Sa phobie sociale empire, dirigée par son attachement évitant : il se met à éviter tout ce qui risquerait de le mettre nez à nez avec une personne connue.

    Le point de vue qu'il tient sur lui-même est très différent du point de vue que les gens ont sur lui. Il se considère comme quelqu'un d'incapable d'aimer parce qu'il ne ressent pas de lien d'attachement sécure envers les gens. Ces mêmes gens le trouvent gentil, aimable, affectueux malgré son air distant parce qu'il est constamment en train de vouloir aider, rendre service, faire plaisir, plaire.

    Il a beau avoir un comportement prosocial, le lien n'est pas là, sa psyché est dominée par les phobies sociales invalidantes, l'anxiété généralisée et l'attachement évitant.

    La majorité des gens ont un comportement différent suivant leur cercle social : les valeurs, les discours, les comportements... diffèrent entre la sphère privée et la sphère publique, entre l'intimité où il n'y a pas de jugement et le regard jugeant des pairs hors de chez soi. Cette différence choque Yozo. Beaucoup d'autistes sont choqués par ça car le cerveau autistique est câblé d'une façon à privilégier plus de cohérence comportementale entre le privé et le public. (Ou alors c'est une réaction traumatique, des fois c'est dur de faire la différence car la majorité des autistes sont aussi traumatisés.)

    Le stress et l'anxiété de Yozo remontent. Complètement dissocié, il se laisse porter par les événements sans prendre d'initiative ni de décision. Le moindre changement imposé par l'extérieur déclenche de nouvelles crises dissociatives sous la forme d'états de transe.

    Plus il a de réactions traumatiques de retrait et de repli sur lui, plus il découvre que cela peut déclencher en retour, chez certaines femmes, des réactions de soins compulsifs. Il réalise que s'il parvient à inhiber ses réactions de fuite et d'évitement, il peut tirer parti de cette situation en s'engageant dans une relation codépendante. (Une relation codépendante c'est quand une personne est coincée dans une situation de dépendance et de demande compulsive de soins tandis que l'autre personne est coincée dans une situation de soins compulsifs envers les autres sans parvenir à prendre soin de soi – ce n'est pas une relation saine car il n'y a aucune capacité à demander de l'aide dans son entourage ni aucune capacité à respecter et combler ses propres besoins soi-même.)

    Yozo fait le choix de s'engager dans une relation codépendante et de se faire entretenir par une femme, à défaut de pouvoir prendre soin de lui-même de manière autonome. Son attachement évitant reprend le dessus, il aimerait pouvoir fuir mais il ne peut pas fuir physiquement car il dépend de cette femme.

    Il s'est foutu tout seul dans la merde à cause de ses réactions traumatiques maladaptées.

    Plus le temps passe, plus il se soumet, plus les gens le trouvent gentil et plus il se trouve lui-même horrible. Il ressent énormément de culpabilité à l'idée d'avoir désobéi à son père, sa figure d'attachement principale durant son enfance. Plus le temps passe plus il s'auto-persuade d'être un monstre, de tromper les gens, de mentir tout le temps... C'est à mettre en parallèle avec le vécu émotionnel des victimes d'agression surtout celles qui sont très dissociées et s'identifient à l'image du soi renvoyée par l'agresseur. (C'est-à-dire que l'agresseur voit sa victime comme une chose, un monstre, un animal, un sous-être... et la victime finit par adopter ce point de vue sur elle-même car, si ce n'était pas vrai, comment expliquer l'agression ?)

    Lorsque l'angoisse intérieure atteint son paroxysme, Yozo retombe dans ses comportements de fawning et de fuite, ce qui déclenche encore plus de comportements de soin et de recherche de lien chez les autres, ce qui terrifie encore plus Yozo qui s'enfonce encore plus dans le fawning et la fuite.

    La joie des traumatismes chroniques, de la dissociation et des troubles de l'attachement, amplifiés par l'hypersensibilité autistique.

    Pour revenir à Yozo, il avait commencé à tisser un lien avec l'enfant de sa compagne en partant du principe qu'un enfant n'est pas assez autonome et indépendant pour avoir ses propres avis et opinions donc, un enfant ne peut pas être menaçant. Sauf que dans la vraie vie, les enfants ont bel et bien leurs propres opinions et leur propre autonomie. Ça a terrifié Yozo car qui dit autonomie dit imprévisibilité et l'imprévisible le terrifie à cause de tout son bagage traumatique et dissociatif ainsi que ses hypersensibilités autistiques.

    Yozo se retrouve à se raccrocher à Horiki pour fuir la sphère familiale. Horiki n'en a rien à fiche des limites de Yozo – et comment pourrait-il deviner que Yozo a des limites puisque celui-ci n'en parle jamais, ne les pose jamais et ne fait jamais rien pour qu'elles soient respectées ? Le travail de Yozo, qui lui tient à cœur, est qualifié de « passable » par Horiki. Quelque chose de juste assez bien pour en vivre. C'est déjà vachement cool je trouve, de mon point de vue de personne qui bosse toute l'année d'arrache-pied pour gagner juste assez pour sortir au KFC pour son anniversaire.

    Yozo, lui, est vexé car il interprète ça comme un jugement de valeur sur son travail. Au lieu de se défendre, il se plie au point de vue de Horiki, déprime et fuit ses émotions en les noyant dans l'alcool. La dissociation et la fuite physique ne suffisent plus.

    Il tente en parallèle de se protéger par des comportements de combats, d'opposition, et tombe dans la provocation sociale. Il décide sciemment de se comporter en connard puisque de toute façon l'image que la société lui renvoie de lui-même est celle d'un monstre, d'un être dispensable, d'un truc encombrant, qui est « de trop ».

    Il fuit les conséquences que ses actes ont envers sa compagne en allant se faire entretenir ailleurs. Son anxiété est trop grande pour qu'il parvienne à faire face à ses responsabilités.

    Il prend conscience que la vie en société implique de constantes luttes de pouvoir et d'ego entre les individus. Sa désillusion est grande. Il ne parvient toujours pas à voir les liens d'attachement, à tisser de lien d'attachement sécure. Il déduit que pour survivre et se protéger il doit se comporter en égoïste, manger avant d'être mangé, prendre avant qu'on lui prenne. Il se défait de toute culpabilité et embrasse totalement cette nouvelle stratégie de survie et de préservation.

    Sa dépression empire, sa dissociation aussi. La seule émotion qu'il parvient à ressentir c'est la tristesse.

    Sa soumission apprise est tellement forte qu'il déclenche des comportements de soins compulsifs chez une adolescente de 17 ans, Yoshiko. Cette dernière essaye de le convaincre d'arrêter l'alcool. Il se soumet à elle et se laisse faire. Son innocence et sa jeunesse sont, pour Yozo, le gage de la véracité des promesses de l'adolescente. Il va donc l'épouser.

    L'amitié entre Yozo et Horiki vire toxique. Ils se tirent ensemble vers le bas mais sont incapables de se détacher l'un de l'autre. Horiki n'a aucune envie de se défaire de la distraction qu'est Yozo tandis que Yozo est trop soumis pour arriver à poser les limites.

    Refusant de voir la réalité des comportements de son mari, Yoshiko prend tout ce qu'il dit pour une plaisanterie. C'est assez ironique car Yozo a tenté toute sa vie de faire rire les gens en se forçant à jouer le clown, et maintenant qu'il laisse glisser son masque social, sa propre épouse est incapable (ou refuse) de faire la différence entre le masque et la réalité. Peut-être a-t-elle peur de ce qui se trouve derrière le masque, peur de se confronter à la réalité. Le masque est beaucoup plus confortable. Rester dans le déni est beaucoup plus confortable.

    Yozo retombe dans ses travers ou peut-être cherche-t-il à provoquer une réaction de la part de son épouse et de ses maîtresses ; toujours est-il qu'il vole leurs vêtements pour les revendre à un prêteur sur gages. Il est incapable de communication directe et à cœur ouvert avec ses partenaires car il ne parvient pas à avoir un attachement sécure et confiant avec elles.

    Lorsqu'il est confronté à l'agression de son épouse, la terreur le fait fuir et l'empêche de la protéger ou de lui venir en aide. C'est un traumatisme pour les deux membres du couple. Lui doit faire face à la culpabilité de son impuissance et elle, à toutes sortes de sentiments d'abandon, à la culpabilité de la victime et au poids de la culpabilisation sociétale des femmes victimes de viol.

    Yozo vit également cela comme une désillusion supplémentaire. Il considère que l'agression est forcément une forme de punition pour les péchés de son épouse. Mais quels péchés a-t-elle bien pu commettre ? Croire naïvement que tous les gens sont gentils ? « Est-ce que la confiance immaculée est un péché ? »

    Pour fuir ces émotions difficiles, Yozo boit encore plus. Il est incapable de s'y confronter.

    De plus en plus cynique, son travail de dessinateur passe du cartoon à la pornographie.

    Refusant d'admettre ses sentiments de culpabilité, il re-culpabilise son épouse en l'accusant d'infidélité. De mal en pire, il finit par faire une TS et se rate (évidemment sinon l'histoire s'arrêterait là) ; son souhait était de « rentrer à la maison » – sentiment à mettre en parallèle avec la « homesickness » alter-humaine. Bref, il est au fond du trou et continue de sombrer.

    Il assimile les femmes à ses émotions de détresse et les fuit. Sa jeune épuise déprime et culpabilise encore plus : non seulement elle se sent coupable de l'agression qu'elle a subie mais en prime elle se sent coupable de l'état dans lequel cela plonge son mari.

    Ce qui empire l'état de Yozo, lequel fuit son emploi et plonge encore plus dans l'alcool.

    Tomber malade est pour lui l'occasion de rencontrer une pharmacienne qui va lui proposer un autre moyen de fuir : la morphine. Le deal entre eux est qu'il échange l'alcool contre une autre substance, jugée moins pire par la pharmacienne. Plus elle lui dit de faire attention à ne pas devenir addict, plus elle s'inquiète qu'il devienne addict, plus il augmente sa consommation afin de se conformer à l'image négative de lui qu'elle lui renvoie.

    Lorsqu'il devient physiquement dépendant de la morphine, il loue ses services sexuels à la pharmacienne en échange de doses supplémentaires. Il est persuadé qu'il ne pourra jamais aller mieux, qu'il ne peut que sombrer.

    « La vie elle-même est la source du péché. »

    Il parvient, après s'être fait violence, à demander de l'aide à son père – pour être abandonné sans secours. Cela renforce son système de croyances internes selon lequel il ne peut être aidé par personne et souffrira toute sa vie sans espoir que ça s'arrête.

    C'est sont « frennemy » Horiki qui vient lui tendre réellement la main, le jour où Yozo avait planifié une autre TS. Horiki s'inquiète réellement, sincèrement pour la santé de Yozo. Ne sachant pas trop quoi faire de lui, il l'envoie à l'hôpital.

    Yozo, en éternel soumis, acquiesce à tout ce qui lui est demandé. Néanmoins, il a un premier, un véritable sursaut de recherche d'autonomie et d'indépendance, lorsqu'il refuse que Yoshiko lui rapporte ses dernières doses de morphines. Cherchait-il à fuir la naïveté et la tentative de soins de son épouse ou tentait-il d'accéder au bonheur des personnes qui savent dire non ? Après tout, pour le citer, « Mon malheur était le malheur d'une personne qui ne pouvait pas dire non. »

    Lorsqu'il découvre que l'hôpital dans lequel il se trouve est dédié aux soins psychiatriques, il ressent cela comme une trahison et une punition. « La non-résistance est-elle un péché ? »

    Il vit les soins psy comme la disqualification définitive du statut d'humain. J'aurais pu dire que, c'était l'époque, les soins psy maintenant c'est mieux, mais ça serait comme comparer la peste pulmonaire à la Covid-19. Parce que c'est « moins pire » ça ne veut pas dire que c'est vraiment « mieux ». Le système de santé est exsangue, les professionnels ne sont pas trauma-informés, les moyens sont surtout médicamenteux et le système de santé parvient tout juste à maintenir en vie des patients qui autrement ne seraient plus de ce monde.

    Je crois que l'ambiance globale du récit me rend cynique et pessimiste. Oups.

    Yozo ne résiste pas lorsqu'il est transféré au fin fond de la campagne sous la garde de son frère et d'une vieille matrone. Il s'identifie totalement à un déchet, il a rejeté toute humanité en lui. Tout ce qu'il lui reste comme fuite possible, c'est d'être constamment dans une transe dissociative, dépersonnalisé et déréalisé, passif, à la merci des soins qui lui sont prodigués, incapable de demander de l'aide, trop désespéré pour demander de l'aide ou protester.

    Il n'a que 27 ans mais on lui en aurait donné le double tellement la vie l'a usé.

    L'épilogue laisse supposer qu'il est désormais décédé.

    Remuant encore plus sa douleur d'humain aliéné de l'humanité, nous apprenons que les gens qui l'ont connu de son vivent voyaient en lui, malgré les blessures de la vie et l'alcool, quelqu'un de bien – un ange.

    ***

    Pour avoir personnellement traversé des périodes très difficiles, pour avoir vu des gens autour de moi traverser des choses similaires, lu des témoignages, des travaux de recherche au sujet des mécanismes causant ces comportements d'origine traumatique... j'ai développé beaucoup de compassion envers l'auteur et son personnage. J'avais en même temps envie de lui donner des claques pour le réveiller un peu et aussi de lui faire un gros câlin pour le réconforter.

    J'ai également ressenti de fortes connexions avec les vécus alter-humains (otherkin, therian, fictionkin etc vous connaissez la chanson, j'ai écrit un livre sur le sujet, 2è édition en cours de correction actuellement, peut-être que je rajoute un chapitre sur les traumatismes transgénérationnels si je suis motivé parce que pourquoi pas hein, après tout, TDAH oblige, intérêt autistique, hyperfocus, et oh regardez ce micro-détail là y'a de quoi rajouter 50 pages de plus ! Aidez-moi TT_TT )

    Voilà, c'était ma lecture de « La déchéance d'un homme » et oh misère si toute la série de livres est dans la même ambiance je vais m'amuser avec ce challenge dites donc !


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  • TRIGGER WARNING mention de violences atroces.

    On raconte beaucoup de choses autour des abus rituels et des abus rituels sataniques mais la ritualisation des abus peut avoir lieu dans n'importe quel contexte.

    Cette ritualisation peut se faire par des programmes militaires ou dans le cadre d'absolument n'importe quel courant religieux, spirituel ou occulte y compris les « secte à deux » (emprise mentale sectaire à très petite échelle) ou programmes de « thérapie de conversion » [ABA pour l'autisme, conversion de personnes gay ou trans]

    Ces abus ne causent pas toujours un TDI. Le conditionnement comportemental peut se faire via les « violences éducatives ordinaires » et passer inaperçu aux yeux de la société. Le but est que la victime agisse comme le souhaite l'agresseur en utilisant : gaslighting, culpabilisation, mensonges, menaces, isolement social, forcer la victime à commettre des violences, double-contrainte, prise de substances, torture sans marques visibles...

    Le but n'est pas d'obtenir une structure interne particulière mais de programmer des comportements ou absences de comportements spécifiques.

    Article commplet : > http://tinyurl.com/2p9mtfft <


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  • Les personnes dissociées ont du mal à croire que leurs souvenirs sont vrais. La douleur est telle qu'il est tentant de s'enfermer dans le déni. Les paroles des agresseurs sont remplies de gaslighting (détournement cognitif) que ça soit durant les violences, pour les nier, ou après, pour faire taire la victime. D'autre part, le gaslighting est une violence psychologique à part entière, qui a un fort potentiel à causer de la dissociation chez la victime.

    C'est très dur de guérir de ce genre de manipulation psychologique en particulier dans le TDI car chaque alter doit résoudre séparément sa confusion interne et lutter contre le déni avant de pouvoir guérir de sa part des traumatismes. En plus, les accusations de folie sont courantes chez les auteurs de gaslighting et la dissociation est un trouble mental donc elle peut être vue comme une forme de « folie » ce qui renforce l'emprise de l'agresseur sur sa victime.

    Faire « comme si les souvenirs étaient vrais » ne serait-ce que juste en thérapie et juste le temps de guérir des douleurs aide à contourner les effets du gaslighting et à en guérir. Se concentrer sur les preuves matérielles aide aussi, lorsqu'il y en a.

    Article complet : > http://tinyurl.com/2z4vyr37 <


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